L’élévation du niveau de la mer menace l’existence de plusieurs nations du Pacifique, en particulier les îles Tuvalu. Le problème n’est pas nouveau : voilà déjà deux décennies que les experts scientifiques et les insulaires alertent la communauté internationale sur le danger d’une disparition de l’archipel d’ici 2050. En attendant l’exil, les Tuvalu font face au dérèglement climatique avec lassitude et incompréhension.

Tuvalu face au dérèglement climatique

L’industrialisation du monde et peut-être plus encore son mode de consommation énergétique et alimentaire ont provoqué la multiplication des émissions de gaz à effet de serre au cours des 50 dernières années. Un changement climatique s’opère en ce moment même : les températures montent, les terres deviennent arides et les glaciers polaires s’effondrent. Lentement mais inexorablement, le niveau des océans s’élève. Avec ses quatre mètres en moyenne au-dessus du niveau de la mer, l’archipel des Tuvalu est la première nation du 21e siècle à être menacée d’extinction.

Deux postulats doivent être observés avant d’acter la disparition programmée des îles Tuvalu. D’abord, le processus n’est pas irréversible. Des aménagements sont possibles pour la surélévation des terres et leur protection avec un système ingénieux de digues. Toutefois, ces réalisations ne sont envisageables qu’avec le soutien financier des États les plus fortunés de la communauté internationale. Dans un même temps, ces derniers doivent revoit drastiquement leur modèle industriel. Ensuite, si rien ne devait être entrepris, les îles Tuvalu ne seraient pas englouties du jour au lendemain : cela serait précédé par des dizaines d’années d’une longue et lente agonie.

Méthodologie d’une catastrophe annoncée

Les Tuvaluans n’attendent plus le déluge : ils le vivent au quotidien. Le dérèglement climatique et l’élévation du niveau de la mer provoquent des marées toujours plus fortes, plus profondes. L’eau salée inonde les rares terres agricoles, empêchant les récoltes présentes et futures. Lorsque la mer se retire, elle laisse dans son sillage de larges croûtes de sel mais aussi des monceaux d’ordures ; toutes celles jetées inconsidérément dans les océans de la planète et qui finissent sur les plages d’un archipel victime d’une pollution dont il est absolument étranger.

Pour échapper aux cataclysmes et leurs effets dévastateurs, les habitants des îles extérieures migrent vers la capitale. Au moins ensemble, la solidarité pourra mieux s’organiser. Ces dernières années, la population sur Funafuti a explosé. Les chiffres absolus restent faibles mais à l’échelle de ce territoire réduit, la densité amène de nouvelles problématiques : le rationnement de l’eau, l’accès aux denrées alimentaires, bref la question de la survie d’enfants, d’anciens, de femmes et d’hommes.

Pour subvenir à leurs besoins élémentaires, les Tuvalu s’en remettent à l’importation qu’elle finance en partie par l’octroi de zones maritimes aux grands chalutiers de la pêche industrielle d’autres nations intéressées. En conséquence, le poisson se raréfie. C’est une nouvelle catastrophe quand on sait que les Tuvaluans se nourrissent traditionnellement des produits de la pêche. Sans compter les menaces pesant sur la biodiversité locale.

Décharge sauvage sur les îles Tuvalu

Tuvalu face au dérèglement climatique : l’exil

Le gouvernement tuvaluan a multiplié les initiatives pour tenter d’enrayer le processus. Des plantations de mangroves sur plusieurs atolls sont censées protéger les îles des marées ravageuses et préserver la biodiversité. Une goutte d’eau dans un océan qui monte. Nul n’ignore que les Tuvalu n’ont pas les moyens d’enrayer seules le processus. Malheureusement et en dépit d’interventions continues des émissaires tuvaluans, la communauté internationale ne comprend ni l’urgence ni l’intérêt d’un changement de paradigme.

Les Tuvaluans n’ignorent pas la gravité de la situation. Les jeunes générations tentent d’émigrer pour s’offrir un avenir moins anxiogène. Parmi les anciens, on voit les terres progressivement rongées par les vagues et on évoque le temps passé. Dans une société traditionnelle et conservatrice, quitter son île et sa famille est perçu tel un déchirement. Lorsque les terres seront inhabitables, la population entière devra prendre les routes de l’exil : ils seront des réfugiés climatiques. Pour aller où ?

En novembre 2023, un partenariat prévoit à terme le déplacement et le relogement sur le sol australien. L’accord n’est pas désintéressé car l’Australie accroîtra sa sphère d’influence dans le Pacifique Sud, récupérant les eaux territoriales. Les Tuvalu perdront alors leur souveraineté et deviendront un État sous tutelle. Pourtant, de meilleures alternatives existent sur l’île de Kioa aux Fidji ou en Nouvelle-Zélande car ces terres sont culturellement polynésiennes.

La construction d’une nation virtuelle

Quel avenir pour la nation tuvaluane ? La population s’éclatera-t-elle dans un monde toujours plus nombreux ou sera-t-elle parquée sur un territoire nouveau sur lequel elle n’aura aucun droit ? Avec la perspective de perdre leurs terres, les Tuvaluans risquent également de perdre leurs racines culturelles et leur cohésion nationale. Que peuvent espérer 12000 individus d’une nation abandonnée à son sort dans l’indifférence générale ?

Les thématiques de l’identité et de la mémoire sont à l’ordre du jour. En 2022, Simon Kofe, ministre des Affaires étrangères des Tuvalu, annonce la création d’un clonage numérique des îles Tuvalu et leur modélisation en 3D. L’annonce est spectaculaire une solution radicale mais logique. Dans le futur, les exilés tuvaluans pourront ainsi se souvenir de leurs origines et de leurs terres. Triste compensation.

Un avertissement lancé au monde

La disparition de l’archipel des Tuvalu constituerait à la fois un profond désaveu pour la communauté internationale et un mauvais signal envoyé aux autres nations menacées par l’élévation du niveau de la mer. Si cette tragédie devait se produire, les générations futures auront à soulever la question des responsabilités et à entretenir la mémoire. Beaucoup d’associations humanistes, culturelles et/ou écologiques luttent pour sauver les îles Tuvalu, leur culture inédite et leur droit inaliénable à l’existence. Nous vous invitons à prendre contact avec l’une d’entre elles.